Changement majeur dans le monde du logiciel : on pourrait revendre des licences d’occasion !
(décision UsedSoft GmbH c/ Oracle International Corp. de la CJUE du 3 juillet 2012)
S’il est incontestable que cette décision, qui s’impose immédiatement au juge français, autorise la revente de logiciels d’occasion (logiciel acquis sur support ou au moyen d’un téléchargement), en se fondant sur la notion d’épuisement du droit de distribution des copies immatérielles des programmes d’ordinateur de la directive 2009/24, elle n’est toutefois pas d’une portée aussi générale que les premiers commentaires le laissaient croire.
Une décision pour les licences à durée illimitée
En premier lieu, cette décision ne s’adresse qu’au seul cas des progiciels vendus dans le cadre d’une licence à durée illimitée pour lequel elle fait basculer clairement l’opération dans le champ de la vente avec toutes les conséquences que le droit attache à cette qualification, notamment en terme d’obligations et de garanties pesant sur le vendeur.
Doutes en cas de revente
Par ailleurs elle pose des conditions à la revente qui, du fait de l’imprécision de sa rédaction, laissent planer des doutes sur les conditions de sa mise en œuvre pratique.
- D’une part, cette décision impose l’indivisibilité des licences acquises par le premier acquéreur et l’obligation de désinstaller la première copie.
Un cas simple est tranché : celui qui acquiert un pack de 25 licences alors qu’il n’en a besoin que de 18, ne pourra pas revendre les 7 licences qui ne lui servent à rien.
Mais le cas plus complexe de celui qui achète successivement plusieurs pack de 25 licences, n’est pas clairement défini. Celui-ci pourra-t-il revendre un seul des packs ou alors l’ensemble des packs acquis, formant un tout indissociable, ne pourra être revendu qu’en totalité ?
- D’autre part, la décision ne tranche pas la question de la cession du contrat de maintenance entre le premier et le second acquéreur et si, comme pourtant elle l’indique au sujet de la licence, les clauses d’incessibilité sont privées d’effet à l’égard des acquéreurs successifs.
En l’absence de réponses claires sur ces deux sujets, le marché du logiciel d’occasion pour les entreprises risque d’avoir du mal à prendre son essor, compte tenu des risques juridiques qui pèsent sur ces opérations.
Du point de vue des éditeurs
Maintenant, du point de vue des éditeurs, il serait opportun de prendre des mesures afin de retrouver la sécurité juridique indispensable à leur activité et anticiper dès aujourd’hui les évolutions que dessine cette décision.
Les éditeurs devront ainsi,
- soit choisir de poursuivre sur le même modèle et anticiper dans leurs contrats toutes les conséquences de cette jurisprudence, notamment tout ce qui concerne spécifiquement le droite de la vente,
- soit modifier leur modèle contractuel et donc économique pour revenir dans le cadre de licences traditionnelles qu’ils pourront contrôler.
Ils pourront par exemple choisir de revenir sur des licences annuelles ou bien limiter la durée de vie des versions maintenues ou encore basculer l’essentiel du prix sur les contrats de maintenance ou plus généralement refonder leur approche marketing en tirant parti des diverses possibilités ainsi offertes.
Joël Heslaut, Avocat au Barreau de Paris, Spécialiste en Droit de la Propriété Intellectuelle
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